L’Espace Véma situé à l’embarcadère de Gorée expose depuis fin Mars 2019 les Portes de Bruce, ” Doxaantu thi mbotayou Rafetaay”, une rétrospective de l’artiste Jean Marie Bruce qui met en scène trente années de sculpture.
Portée par Binette CISSÉ de l’Espace VEMA et Wagane GUEYE, commissaires , l’exposition individuelle de Jean Marie dit Jeannot Bruce réunit une centaine de pièce issues de différentes collections et de son atelier de Mbour. L’ensemble de ces travaux ont été mis en scène par Fodé Camara, scénographe, artiste visuel du collectif TawfexxDesign.
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Ces dernières années, plusieurs amis et proches de Jeannot Bruce ont émis le désir de présenter les travaux de l’artiste. C’est dans cette dynamique que ses amis les artistes Mansour Ciss Kanakassy et Boubacar Cool Diabang s’étaient inscrits pour programmer Bruce dans des manifestations culturelles comme Tawi Stand Up, 1.54 au Grand Théâtre lors de la biennale « Dakart 2016 ». Wagane Gueye travaille depuis cette date avec Jeannot. Il a programmé ses œuvres dans diverses expositions comme « Identités Plurielles » aux Almadies en 2016 et très récemment, du 15 février au 6 avril 2019, l’exposition collective “PONCTUATION” à Ouakam.
Les œuvres de Jean Marie Bruce font partie des collections de Thomas Cazenave, de Makhete Wade du galeriste Richard Cousinard , de l’architecte Abib Djenne, de l’industriel Jean-Claude Mimran. A l’international, ses œuvres figurent dans des collections prestigieuses comme celle de la Fondation Blachère à Apt en France, de la collection Clinton aux États-Unis, de la Nomad Gallery de Walter de Weerdt, à Bruxelles. Lors de la 13 ième édition du Dak’art , les œuvres de l’aartiste ont été sélectionnées à l’exposition collective intitulée “La Brèche” du commissaire, artiste visuel et professeur d’art Viyé Diba.
Jean Marie Bruce
Jeannot est né en juin 1965 dans le département de MBOUR, Il fait l’École Nationale des Arts de Dakar, dans la section expression artistique, de 1988 à 1992. Depuis cette date, Jeannot travaille dans son atelier Mbourois et participe à des expositions nationales et internationales. En 1996, il a été sélectionné dans l’exposition officielle de la Biennale d’art Contemporain, Dak’Art, qui s’est tenue au Musée Théodore Monod de l’IFAN. En 2009, il a participé à l’exposition intitulée « Sénégal, Collections privées » organisée à la Galerie Le Manège. Jeannot est également l’un des membre fondateur du Collectif sénégalais « Huit Facettes-Interaction » aux cotés des artistes Kan-Si, Fodé Camara, El Sy, Serigne Mbaye Camara, Moustafa Dimé, Abdoulaye Ndoye e Cheikh Niass. Le travail de « Huit Facettes » a été sélectionné en 2002 par le curateur OkwuiEnwezor pour être présenté à la Documenta 11 de Kassel, en Allemagne.
«L’être humain, son ombre et le temps»
Par son travail Jeannot explore la potentialité des matériaux de récupération et leur rapport à l’environnement. Les dernières créations de l’artiste présentent des ombres à taille humaine travaillées sur des tôles neuves ou rouillées par les effets du temps.
Cette série d’œuvres interpellent par la forte présence de silhouettes humaines qui s’en dégagent. Cette nouvelle démarche est intitulée « «l’être humain, son ombre et le temps». Mahtar Licka Gueye, photographe et collectionneur d’art , le présente et parle de sa démarche artistique en ces termes : « Jeannot Bruce est un être lumineux, généreux et créatif. Il a fui, à juste raison, le tumulte de Dakar afin de retrouver son royaume d’enfance. Sa demeure atelier est un havre de paix où le temps conventionnel n’a pas cours. Un lieu thérapeutique au vrai sens du terme. Notre Artiste travaille sur un sujet hautement symbolique : la porte. Celles qui s’ouvrent sur les rencontres fructueuses. Celles qui mènent vers des horizons constructifs. Des portes avec des silhouettes. C’est bien l’humain qui ouvre ou ferme les portes. Surtout au moment où des murs sont érigés à travers le monde. Où des grilles anti immigration s’étalent sur des kilomètres de frontières en Europe, Jeannot Bruce nous offre ses portes en zinc. Notre cher Artiste opte pour l’ouverture des esprits à travers le monde. Ce projet grandiose (plus de 300 portes avec les silhouettes) tranche contre le repliement ambiant. »
A.R.T Atelier Résidence Tripano
La Résidence Tripano, créé par Jeannot à Mbour accueille depuis plus de vingt ans des stages, workshops et rencontres internationales autour des arts visuels. Plusieurs programmations Off de la biennale des Arts Dakar, Dak’Art, y ont été organisées. La programmation Off 2018 y était intitulée ” Le musée des piétons“.
“L’espace de Bruce à Mbour est référencé dans le paysage culturel du fait de la téranga dont il fait preuve pour mettre à l’aise ses visiteurs de passage. En plus, une autre particularité de ce lieu réside dans la sobriété avec laquelle les aménagements sont réalisés pour assurer le minimum de confort et la plénitude nécessaire quand on quitte le train train d’une capitale. Enfin, on est agréablement surpris en se réveillant le matin par le concert de coucous auquel fait écho celui des pigeons voyageurs. Nous devinons également les bêlements des moutons et nous sommes agacés par les aboiements des chiens qui perturbent un peu la douce sensation de tranquillité matinale.
Nous nous retrouvons à jouir d’un air frais qui sent l’odeur de la terre humide qu’on vient d’arroser. C’est ensuite une vraie grâce de respirer un air parfumé d’embrun marin, non pollué par les gaz et autres carburants nuisibles. Tout ceci participe à l’exotisme de la résidence Trypano au point d’en faire un détour incontournable pour ses amis d’ici et d’ailleurs, de même que ses parents. C’est pourquoi ils n’ont pas manqué, dans leur quête de ressourcement, de multiplier les occasions de s’y rendre au fil des ans.
C’est dans ce lieu, empreint des différents passages des divers acteurs et actrices des mondes de l’art que nous avons rencontré un Bruce poreux à l’éthique environnementale. Il vit en osmose avec la nature et intègre dans sa démarche créative et dans sa vie le souci de conservation de la biodiversité. Dans sa famille, on trouvera des composants naturels, vivants et non vivants, des espèces animales telles que des oiseaux rares (perruche, moineau, colombe diamant…), des moutons de race de même que des lapins qu’il collectionne sans oublier les crabes. Bruce est un colombophile qui n’hésite pas à baguer ses oiseaux à grands frais parce qu’il commande le matériel en France. Souvent il remporte des prix en faisant participer les pigeons voyageurs à des concours.
Nous découvrons également des espèces végétales dont des calebassiers et le flamboyant, une pépinière de cocoteraie ingénieusement entretenue par la maîtresse de céans. A son tour, Lolo valorise des ustensiles de cuisine, des bouteilles en plastique, des seaux et des bassines usés pour en faire des gaines remplis de terre où pousse du végétal. Elle veille également à la récupération et au stockage des rejets animaliers. Elle les utilise ensuite pour fertiliser naturellement les sols sans avoir recoure aux engrais chimiques.
Bruce vit à proximité de la mer et il n’est pas rare de retrouver à sa table des menus «lights» à base de poissons qu’il a fraîchement pêchés, braisés, accompagnés de salade concoctée par les bons soins des chefs maison Tadé et Joe, quand ils sont de passage à Mbour. Ce rasta dans l’apparence et dans la philosophie consomme pourtant de la viande! Étonnant non ? Pourvu juste qu’elle ne provienne pas de sa bergerie.” Ndeye Rokhaya Gueye – Professeur, critique d’art
L’auteur et critique Oumar Sall donne ses impressions : « Dans ses ateliers du “Tripano” à Mbour, l’artiste Jeannot Bruce se prête à un subtil et implacable jeu avec le temps. Ça mouille et ça rouille entre fortes averses et rayons. L’artiste guette alors avec vigilance les temps d’intervention sur la tôle… Chez lui, l’identification “biométrique” est sans faille… Tous les “boys” y passent. »
Comité de rédaction des textes – Christine Leduc-Gueye : historienne de l’art, chercheuse indépendante – Oumar Sall r – Sylvain Sankalé : professeur à l’ISAC, critique d’art, collectionneur – Wagane Gueye